Pour un dinar fort
Par Ezzeddine Ben Hamida
Dans l’article précédent, j’avais analysé les limites de la stratégie d’améliorer la compétitivité-prix par la dépréciation continue du dinar. J’ai montré qu’au contraire, désormais, en grande partie, c’est par la qualité des produits que la compétitivité se joue, d’où la nécessité impérieuse de se doter d’un appareil productif cohérent avec une véritable stratégie de remonté de filière ainsi que la restructuration du secteur touristique. La politique de «dépréciation-compétitive», suivie par la Tunisie depuis maintenant 30 ans, s’est traduite par une dégradation du pouvoir d’achat des Tunisiens à cause d’une inflation importée et incompressible. A présent, je propose une analyse qui plaide pour un dinar fort. Je m'efforcerai de montrer tout l’intérêt que la Tunisie peut avoir en se dotant d’une monnaie forte. J’utiliserai quelques exemples pour mieux illustrer mon approche.
1Les vertus d’une monnaie forte
Aujourd’hui nous avons tout intérêt à favoriser l’appréciation de notre monnaie. En effet, dans un contexte de forte inflation ou de menace inflationniste, notre cas à présent, de nombreux pays (la France dans les années 80, par exemple) ont vu les avantages qu’il avait à favoriser, non plus la dépréciation de leur monnaie, mais au contraire son appréciation. En effet, la dévaluation ou la dépréciation est un cercle vicieux comme l’illustre le schéma ci-après
A l’inverse de ce cercle vieux, on peut mettre en œuvre un cercle vertueux de l’appréciation, où la hausse de la valeur de la monnaie sur le marché des changes permet de lutter contre l’inflation. Les importations deviennent moins chères, ce qui permet de réduire, justement, les coûts de production et par la même la baisse régulière du taux d’inflation. Les économistes appellent ce mécanisme «une désinflation importée». Le schéma ci-après met en lumière les avantages d’une monnaie forte
Une politique de monnaie forte cherche donc à provoquer l’appréciation de la monnaie nationale sur le marché des changes afin de lutter contre l’inflation. Pourquoi la BCT a-t-elle laissé alors le dinar se déprécier pour atteindre aujourd’hui le prix de : 2 dinars = 1 euro ? Une telle dégringolade est-elle à l’origine, du moins une partie, de la hausse de l’inflation de 2,2 points dans les 12 derniers mois pour atteindre aujourd’hui 5,7% ? La dépréciation de près de 50% du dinar dans les 11 dernières années (nous sommes passés de 1,1 dinars pour 1 euro fin 2001 à 2 dinars pour 1 euro aujourd’hui) n’est-elle pas la cause principale de la hausse de l’indice des prix, courant cette période? La dégradation des termes de l’échange n’est-elle pas aussi à l’origine de la vétusté de notre parc technologique ? Au contraire, une politique de dinar fort ne pourra-t-elle pas, justement, avoir pour objectif d’aider nos entreprises à moderniser leurs parcs technologiques et améliorer ainsi la qualité de leurs produits et services pour mieux s’adapter à la concurrence internationale?
2Quelques exemples de pays
Il est vrai que l’Allemagne et le Japon, après la seconde guerre mondiale avait opté pour des monnaies locales faibles afin de stimuler leurs importations. Le Mark n’avait été réévalué qu’au milieu des années 60 alors que la réévaluation du Yen japonais n’est intervenue qu’au milieu des années 80. Leur miracle économique s’explique, en partie, en effet par le dopage de leur exportation grâce à une monnaie faible. Mais peut-on faire balayer d’un coup de revers l’excellente qualité des produits de ces deux grandes nations? Mieux encore, Les données géoéconomiques et géopolitiques sont aujourd’hui complètement différentes. Autant dire que la comparaison avec ces nations est naïve et inopportune : même aujourd’hui nous ne disposons pas du parc technologique et de la qualification des ingénieurs allemands et nippons de 1945, malgré leur débâcle lors de la seconde guerre mondiale.
Il est vrai aussi, que les autorités américaines depuis quelques années s'accommodent parfaitement de la chute du taux de change du billet vert. Ils cherchent ardemment en réalité à doper les exportations américaines et à pousser les ménages aux États-Unis à acheter des produits américains moins chers (puisque les biens importés sont rendus mécaniquement plus onéreux) afin de soutenir la reprise la croissance économique. Nous pouvons aussi citer l’exemple chinois: Les autorités de ce pays, à l’instar des autorités américaines, ont opté depuis toujours pour le maintien d’un yuan artificiellement bas pour doper leur exportations et soutenir ainsi leur croissance. Nous ne disposons pas du même niveau technologique et recherche scientifique de ces pays. Notre tissu industriel est extrêmement dépendant justement de ces nations hautement développés.
Comme je l’ai souligné plus haut, une politique de dinar fort aurait pour objectif la modernisation de notre appareil productif et donc de notre économie. L’abaissement des prix des produits importés entraîne l’élimination ou l’adaptation des entreprises qui se révéleraient peu compétitives (à l’inverse, une dépréciation du dinar protège les entreprises peu compétitives de la concurrence étrangère).
L’exemple de la France dans les années 80 est très éclairant sur ma conception pour un dinar fort: En réalité, l’adhésion de la France en 1979 a eu pour objectif de «lier» le franc au Mark allemand afin de profiter de l’appréciation de la devise allemande. Le SME a ainsi permis à la France de mener une politique de franc fort à partir du milieu des années 80. Certains économistes avaient franchement critiqué cette politique d’autant qu’elle a été poursuivie, dès 1983, par une politique qualifiée de «désinflation compétitive» où l’appréciation recherchée de la monnaie visait non plus à lutter contre l’inflation (qui était devenue faible) mais à obtenir des gains de compétitivité supérieurs à ceux des partenaires étrangers.
Pour conclure, j’insiste sur la nécessité de se doter d’une manière progressive (sur 4 ou 6) ans) d’un dinar fort pour permettre la modernisation de notre tissu industriel et une meilleure réallocation des facteurs de production. Le nivellement de notre productivité et de notre compétitivité devrait se faire par le haut et non pas par le bas
Ezzeddine Ben Hamida
Ezzeddinebenhamida.jimdo.c
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